Yordanova et autres c. Bulgarie (App. n° 25446/06) [24.04.2012]

Date de la décision : 24 Avril 2012

Juridiction : Cour Européenne des Droits de l'Homme

Fondements légaux : Article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention Européenne des Droits de l'Homme

Les requérants vivaient dans un camp rom de Sofia situé sur un terrain municipal où les familles roms commencèrent à s’installer dans les années 1960 et 1970, les arrivées les plus récentes datant des années 1990. Ils habitent des logements de fortune construits sans autorisation, sans eau courante ni tout-à-l’égout. Nul ne conteste que les maisons des requérants ne répondent pas aux normes minimales en vigueur en matière de construction et de sécurité et qu’elles ne pourraient pas être régularisées sans une réhabilitation importante. Au début des années 1990, la tension monta dans plusieurs parties de Sofia entre les Roms et leurs voisins non roms. La question des quartiers roms fit l’objet d’un large débat et plusieurs hommes politiques en vue parlèrent de la nécessité de vider les « ghettos roms » de Sofia. Toutefois, ni l’Etat ni la municipalité ne cherchèrent à expulser les requérants et leur famille avant le 17 septembre 2005, date à laquelle la maire du district ordonna leur expulsion forcée. Les tribunaux internes déclarèrent que l’ordonnance d’expulsion était légale. La maire déclara publiquement qu’il n’était pas possible de reloger les habitants du quartier car ils n’étaient pas enregistrés comme personnes à loger et la municipalité ne pouvait pas leur donner la priorité par rapport aux personnes inscrites sur la liste d’attente depuis des années. L’expulsion fut toutefois suspendue après une intervention du Parlement européen et l’indication d’une mesure provisoire par la Cour au titre de l’article 39 de son règlement.

Décision :

  • Atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile : l’expulsion des requérants des habitations de fortune où ils vivent avec leur famille depuis des décennies et où ils forment une communauté de plusieurs centaine de personnes aurait des conséquences sur leur mode de vie et leurs liens sociaux et familiaux.
  • Inactivité des autorités : si les autorités sont en principe en droit de récupérer des terrains municipaux occupés illégalement, elles ont toléré ces quartiers roms illégaux pendant plusieurs décennies, ce qui a permis aux requérants de s’attacher à cet endroit et d’y construire une vie communautaire.
  • Proportionnalité: des situations mettant en jeu une communauté entière et une installation de longue date doivent être traités de manière entièrement différente des affaires habituelles d'expulsion d’un individu d’un bien occupé illégalement.
  • Risque de se retrouver sans-abri : le Gouvernement n’a pas montré que d’autres moyens de résoudre ces problèmes, par exemple en légalisant les constructions si possible, en installant des canalisations pour l’arrivée d’eau potable et l’évacuation des eaux usées et en fournissant une assistance pour la recherche de logement lorsque l’expulsion était nécessaire, aient été sérieusement étudiés. Les autorités n’ont pas non plus pris en compte le risque que les requérants se retrouvent sans abri.
  • Groupe vulnérable : me caractère défavorisé du groupe auquel appartiennent les requérants est un facteur auquel il faut accorder du poids pour définir les solutions au problème de leur installation illégale et, au cas où l’expulsion serait nécessaire, pour décider du moment et de la manière de procéder ainsi que, si possible, trouver des logements de remplacement.

Conclusion: violation de l’article 8

En savoir plus:

Jugement

Communiqué de presse

 

French
Jurisdiction: 
Conseil de l'Europe - Cour Européenne des Droits de l'Homme
Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale
Subject: 
Squats et bidonvilles
Country: 

Fonds

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