Allemagne: transfert en France suspendu en raison de la situation des « Dublinés » renvoyés dans ce pays
[Extraits du site ELENA Weekly Legal Update (EWLU). Lire le texte original ici.]
Le 25 avril dernier, le tribunal administratif d'Arnsberg [Rhénanie-du-Nord-Westphalie] a décidé de suspendre le transfert d'une femme, qui demandait l’asile avec sa fille, en France au titre du règlement Dublin III n ° 604/2013 (le règlement de Dublin), aux motifs que cela violerait leurs droits protégés par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Droits de l'homme (CEDH) ( énonçant que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants »).
Le tribunal a déclaré que l'expulsion vers de mauvaises conditions humanitaires ne pouvait être considérée comme un traitement inhumain ou dégradant que dans des cas individuels très exceptionnels et si les exigences du seuil de gravité de l'article 3 de la CEDH étaient remplies. Il a estimé que ce seuil était atteint lorsque les ressortissants de pays tiers ne pouvaient pas gagner leur vie, trouver un abri ou avoir accès à des soins médicaux de base.
En l'espèce, la requérante et sa fille avaient déjà été transférées en France depuis l'Allemagne en 2018. La requérante a affirmé qu'à leur arrivée en France, toutes deux avaient vécu dans la rue et que, lorsqu'elle avait tenté de s'enregistrer auprès d' un accueil pour réfugiés de l'aéroport, elle avait été informée qu’elle resterait sans ressources pendant 45 jours avant de pouvoir enregistrer la demande d'asile et que l'accès à l’hébergement ne leur serait accordé qu'après 3 mois. En conséquence, la requérante et sa fille dormirent à l’aéroport et dans la rue. Pendant ce temps, la requérante a été violée. Elle a déclaré que si elle n'avait pas eu à s'occuper de sa fille, elle se serait suicidée. La requérante a contacté son oncle en Allemagne et y est revenue.
En se référant au rapport de pays « AIDA : France, mise à jour 2018 » le tribunal a reconnu la situation compliquée pour les réfugiés « dublinés » quant à l’accès à la procédure de demande d’asile. Il a relevé la complexité des procédures de pré-enregistrement auprès des « Plateformes d'accueil des demandeurs d'asile (PADA) » dans les préfectures locales, à la suite desquelles doit se faire l’inscription dans l'un des 34 « Guichets uniques de demande d'asile (GUDA) » ainsi que les problèmes d’accès au système d’accès téléphonique mis en place en Ile de France. S'agissant de l'accès aux centres d'hébergement, le tribunal a relevé des difficultés d'accès et le nombre limité de places.
En conséquence, le tribunal a estimé que les personnes renvoyées en France au nom du règlement de Dublin devaient faire preuve d'un degré élevé d'initiative personnelle afin de trouver un logement et d'accéder aux soins. Compte tenu de l'expérience de la requérante lors de son précédent séjour en France et de son état psychologique actuel, le tribunal a considéré qu'un retour en France risquerait de violer le droit de la requérante à ne pas être soumis à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la CEDH. La Cour a ainsi ordonné la suspension du transfert Dublin vers la France.
[Basé sur une traduction non officielle de l'équipe EWLU et d’une traduction libre de l’anglais].